Les Autochtones, le TSAF et le système de justice
Il existe de nombreux mythes relatifs au TSAF et aux Autochtones au Canada. L’un des plus répandus est que le TSAF est un « problème d’Autochtones ». En fait, bien que le TSAF ne soit pas propre aux Autochtones, la souffrance et le traumatisme associés aux répercussions néfastes persistantes de la colonisation, de la discrimination et du racisme induisent certaines personnes, dont les femmes enceintes, à consommer de l’alcool pour apaiser leur souffrance.
Cela fait du TSAF un problème grave qui nuit à la santé et au bien-être des Autochtones du Canada. Nous soulignons que le taux de consommation d’alcool chez les femmes autochtones semble inférieur à celui de la population générale. Par contre, l’hyperalcoolisation rapide, qui est associée à un risque accru pour le fœtus, serait plus fréquente parmi les Autochtones qui consomment de l’alcool. La Commission de vérité et réconciliation (CVR) mentionne explicitement le TSAF dans deux des appels à l’action lancés dans son rapport de 2015.
Appel à l’action 33 de la CVR : « Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de reconnaître comme priorité de premier plan la nécessité d’aborder la question du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF) et de prévenir ce trouble, en plus d’élaborer, en collaboration avec les Autochtones, des programmes de prévention du TSAF qui sont adaptés à la culture autochtone. »
Appel à l’action 34 de la CVR : « Nous demandons aux gouvernements du Canada, des provinces et des territoires d’entreprendre des réformes du système de justice pénale afin de mieux répondre aux besoins des délinquants atteints du TSAF; plus particulièrement, nous demandons la prise des mesures suivantes :
- fournir des ressources communautaires et accroître les pouvoirs des tribunaux afin de s’assurer que le TSAF est diagnostiqué correctement et que des mesures de soutien communautaires sont en place pour les personnes atteintes de ce trouble;
- permettre des dérogations aux peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les délinquants atteints du TSAF;
- mettre à la disposition de la collectivité de même que des responsables des services correctionnels et des libérations conditionnelles les ressources qui leur permettront de maximiser les possibilités de vivre dans la collectivité pour les personnes atteintes du TSAF;
- adopter des mécanismes d’évaluation appropriés pour mesurer l’efficacité des programmes en cause et garantir la sécurité de la collectivité. »
Dans ces appels à l’action, on reconnaît que le TSAF est un problème de santé qui a des répercussions néfastes sur les Autochtones. La prestation de services de diagnostic, de prévention et d’intervention en matière de TSAF est déficiente, ce qui a pour résultat un traitement inadapté dans le système de justice pénale.
Comme le montre le contenu du présent site Internet, les comportements difficiles des mineurs et des jeunes adultes touchés par une exposition prénatale à l’alcool sont souvent perçus dans le système de justice comme intentionnels parce que ces jeunes personnes n’ont pas reçu de diagnostic de déficience dans le système médical. Sans soutien ni mesures d’adaptation, les comportements liés au TSAF peuvent devenir de plus en plus difficiles lorsque les personnes atteintes deviennent des adultes. Des recherches menées sur les déficiences secondaires révèlent que, privées d’un diagnostic précoce et de soutien, 60 % des personnes atteintes d’un TSAF ont des démêlés avec la justice. En outre, des recherches de premier plan menées au Canada démontrent que de nombreuses personnes souffrant d’un TSAF ne cessent de passer par la machine de la justice pénale, qui les punit pour des comportements liés à leur déficience.
Au Canada, le système de justice pénale ne dispose pas de mécanisme permettant le dépistage ou l’évaluation du TSAF. Souvent, les psychiatres judiciaires ne sont pas formés pour faire ce diagnostic ou ne sont pas disponibles et, à moins qu’un diagnostic ne soit présenté, les personnes atteintes d’un TSAF n’obtiennent souvent pas l’attention ou les mesures d’adaptation que nécessite leur déficience dans le système de justice pénale.